Au-delà des chapelles, des clans, des écoles et du cercle toujours étroit des musiciens contemporains, la musique de György Ligeti (1923-2006) a su trouver une large audience. Les textures inouïes, sidérales, des grandes œuvres pour orchestre – Apparitions (1958-1959), Atmosphères (1961), Lontano (1967), Melodien (1971) –, le sens dramatique profond révélé dans une multitude de prismes – allant de la dérision ostentatoire (Aventures, 1962) jusqu’à la plus pure suggestion intérieure (Études pour piano, 1985-2001) en passant par la geste opératique tragique (Requiem, 1963-1965) ou bouffonne (Le Grand Macabre, 1974-1977) –, prisme fondé sur une poétique des rythmes qui en avive la perception en profondeur (Continuum, 1968 ; Clocks and Clouds, 1972-1973 ; Concerto pour piano, 1980-1988), ainsi qu’un rapport unique aux timbres, à leur plasticité, à leur sensualité (Concerto de chambre, 1969-1970 ; Concerto pour violon, 1989-1993 ; Síppal, Dobbal, Nádiheged vel, 2000) lui ont permis de capter un vaste public – grâce d’autant plus puissante que rare.
Avec une empathie de compositeur, Karol Beffa met ici en perspective les périodes créatrices de György Ligeti, de ses débuts, dominés par l’admiration de Bartók, confrontés aux tragédies du XXe siècle, à l’accomplissement atteint en Europe de l’Ouest. Les différents foyers dans lesquels il put s’épanouir (Cologne et son Studio de musique électronique, l’avant-gardiste Darmstadt, la dadaïste Düsseldorf, Hambourg où il enseigna la composition) sont évoqués ici comme les jalons façonnant une personnalité radicalement indépendante, dont les modèles pour la création étaient aussi bien littéraires et picturaux que musicaux.
Compositeur (Victoires de la musique classique 2013), pianiste, musicologue, Karol Beffa est l’auteur de Comment parler de musique ? (Leçon inaugurale ; Collège de France/Fayard, 2013) et, en collaboration avec Cédric Villani, des Coulisses de la création (Flammarion, 2015).
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